Pourquoi la communication de crise échoue souvent et comment l’éviter.
Analyse de deux crises récentes, Holy et l’affaire Quatennens, pour comprendre pourquoi les communications de crise échouent et comment les anticiper efficacement.
Introduction
La crise n’abîme jamais une organisation par hasard.
Elle ne révèle pas seulement un incident, une erreur ou un mauvais jugement : elle expose, souvent brutalement, la solidité, ou la fragilité, de toute une architecture de communication.
Lorsque le message se fissure, ce n’est pas l’événement qui provoque l’effondrement, mais l’absence de ligne.
C’est dans ces moments-là que l’on découvre si l’organisation parle d’une seule voix, si elle maîtrise sa propre narration ou si elle improvise au gré de l’urgence, de l’émotion et du bruit médiatique.
Qu’il s’agisse d’un responsable politique contraint de réagir sous pression, ou d’une marque de grande consommation rattrapée par une communication trop ambitieuse, les mécanismes d’une crise mal gérée sont toujours les mêmes : confusion interne, déni initial, réactions dispersées, messages contradictoires.
Cet article propose de comprendre pourquoi les communications de crise échouent si souvent, à travers deux cas très différents, un cas politique et l’affaire Holy, qui, chacun à leur manière, montrent comment une crise peut soit affaiblir durablement, soit forcer une organisation à retrouver un message plus cohérent.
Article
Le cas Holy (marque de boisson)
Je ne suis pas un grand consommateur de YouTube ou de Twitch, mais il ne m’a pas échappé qu’il y a quelques mois, une enquête du créateur TPZ a profondément ébranlé la marque Holy, au point de remettre en cause tout son récit de marque.
Avec plus d’1,2 million de vues, sa vidéo, qui met en lumière les promesses excessives et les zones d’ombre de la communication d’Holy, a révélé malgré elle un cas très instructif pour ceux qui, comme moi, accompagnent dirigeants et organisations dans la prévention et la gestion des crises.
Une réaction initiale plutôt maîtrisée
Holy réagit rapidement sur X (ex-Twitter), quelques heures seulement après la publication.
Le ton est empathique, respectueux du consommateur et relativement transparent.
C’est une réponse adaptée à leur cible, les 16–25 ans, et une conférence de presse n’aurait eu aucun impact sur ce public.
À ce stade, la réaction est cohérente et presque exemplaire : pas de déni, pas d’agressivité, une volonté affichée de clarifier.
L’après-crise qui pose problème
C’est en me renseignant plus largement sur l’affaire que quelque chose m’a frappé : la modification radicale et immédiate des briefs destinés aux créateurs de contenu.
Les influenceurs qui présentaient jusqu’alors la boisson comme une alternative “healthy”, presque à consommer sans modération, se retrouvent soudain à délivrer un message strictement opposé :
consommation avec modération,
prévention sur l’âge minimum conseillé,
discours beaucoup plus prudent sur la gamme énergie.
Ce revirement, brutal et très visible, est en communication un aveu involontaire.
En assumant un nouveau discours, la marque désavoue implicitement l’ancien, sans jamais l’expliquer. La cohérence s’est effondrée.
Là où Holy aurait dû stabiliser un récit, elle substitue un message par un autre. Le public n’est pas dupe : un changement soudain de posture, surtout quand il est lié à une crise, affaiblit la crédibilité.
Une stratégie construite dans l’urgence
La question essentielle est donc la suivante : comment une marque aussi présente sur YouTube et Twitch n’a-t-elle pas anticipé ce type de crise ?
À l’échelle de ce que font des acteurs comme NordVPN ou Rhinoshield, la préparation d’un scénario de crise n’est pas une option, mais une nécessité.
Et c’est précisément là que se joue la différence entre une crise maîtrisée et une crise subie :
Holy a bien réagi.
Mais Holy n’était pas préparée.
À l’ère des réseaux sociaux, une marque peut être dépassée par un événement en quelques heures.
Et ce qu’elle perd dans ce laps de temps, confiance, cohérence, crédibilité, dépasse largement ce qu’aurait coûté une préparation sérieuse, même minimale.
La prévention des crises ne concerne pas uniquement les secteurs sensibles comme l’aviation ou la politique.
Elle concerne toutes les organisations dont le message, la promesse ou le produit repose sur la confiance du public.
Holy n’a pas échoué par manque de réactivité.
Elle a échoué parce qu’elle n’avait pas construit de scénario crédible pour ce type de situation, et qu’elle a dû improviser là où elle aurait dû dérouler une stratégie.
Le cas Quatennens : quand la cohérence s’effondre
L’affaire Quatennens est un exemple particulièrement révélateur de ce que produit une crise lorsqu’une organisation politique n’a pas, en interne, une architecture de communication stable et partagée.
Non pas pour des raisons idéologiques, mais pour une raison beaucoup plus simple : la contradiction entre les faits et la ligne officielle rend toute parole fragile.
Un tempo de crise désynchronisé
Dès la révélation de l’affaire, l’espace médiatique réagit plus vite que l’organisation elle-même.
Dans ces moments-là, quelques heures de flottement suffisent pour installer une première lecture publique – qui devient ensuite impossible à rattraper.
À gauche, à droite, dans la majorité comme dans l’opposition, les réactions politiques se succèdent.
Le parti concerné tente de reprendre le contrôle, mais sans ligne commune :
certaines voix appellent à une forme de fermeté,
d’autres cherchent à relativiser,
et les tweets de soutien maladroits brouillent encore davantage le message.
Résultat : plus personne ne sait qui parle au nom de qui.
L’incohérence interne comme déclencheur de crise secondaire
La France insoumise se retrouve confrontée à un paradoxe structurel :
elle doit réagir à une situation individuelle tout en assumant publiquement une ligne très ferme sur les violences conjugales.
Dans un tel contexte, chaque mot devient un risque.
Ce n’est plus seulement une crise personnelle :
c’est une crise de cohérence.
Quand la parole officielle varie d’un responsable à l’autre, quand les tweets contredisent les communiqués, quand le tempo politique ne s’aligne pas sur le tempo médiatique, la crise se dédouble :
la crise des faits,
la crise de la narration.
Et la seconde est souvent la plus destructrice, car elle remet en cause la crédibilité globale du discours.
L’incapacité à produire une voix unifiée
La réussite d’une communication de crise repose sur une condition non négociable :
une seule ligne, assumée, stable, déclinée sans ambiguïté.
Ici, l’organisation a laissé apparaître ses lignes de fracture internes.
Chacun parle dans son propre registre : empathie, justification, condamnation, distance, protection…
Cette dispersion donne l’impression d’une improvisation permanente.
Et quand l’organisation n’est plus capable de dire clairement ce qu’elle pense, d’autres le font à sa place.
Pourquoi ce cas politique est pertinent pour les entreprises
Certaines organisations pensent encore que la prévention des crises est un sujet réservé à la politique.
C’est une erreur.
Le cas Quatennens montre trois choses applicables immédiatement au secteur privé :
La cohérence interne précède la communication externe.
Une marque ne peut pas tenir un discours si ses propres équipes ne sont pas alignées dessus.
Le tempo est stratégique.
Quelques heures d’hésitation suffisent pour perdre la maîtrise du récit.Les valeurs déclarées créent une obligation narrative.
Si votre promesse publique n’est pas soutenue par vos pratiques internes, la crise devient inévitable.
Une entreprise n’a pas besoin d’un scandale politique pour se retrouver dans cette situation :
un rappel produit, une enquête média, un bad buzz sur un influenceur, un changement soudain de message…
Le mécanisme est toujours le même, la crise ne détruit pas les organisations préparées, elle détruit celles qui improvisent quand il aurait fallu anticiper.
Conclusion
La communication de crise n’est jamais un exercice improvisé. Qu’il s’agisse d’une marque grand public prise en défaut dans sa narration ou d’une organisation politique confrontée à une contradiction interne, les mécanismes restent les mêmes : le tempo, la cohérence, et la capacité à dire une vérité stable sous pression. Une crise ne détruit jamais un message solide ; elle révèle simplement ceux qui ne l’étaient pas.
Holy a réagi, mais n’était pas préparée. La France Insoumise a parlé, mais sans ligne commune. Dans les deux cas, ce n’est pas l’événement lui-même qui a créé la fragilité : c’est l’absence d’anticipation. Et c’est précisément là que se joue la différence entre un incident qui passe et une crise qui marque durablement.
Les organisations qui traversent les crises avec le moins de dommages ne sont pas celles qui communiquent le plus fort, mais celles qui ont construit en amont une structure claire : valeurs assumées, messages alignés, scénarios de crise testés, responsabilité distribuée. C’est un travail invisible, mais c’est ce travail qui fait la différence quand tout devient visible.
Si votre marque, votre organisation ou votre équipe souhaite renforcer sa capacité à répondre sereinement à une situation sensible, ou tout simplement bâtir une communication interne et externe suffisamment solide pour résister aux imprévus, je peux vous accompagner dans ce travail d’anticipation.
Diagnostic, structuration du message, scénarios de crise, coordination interne : autant d’étapes qui permettent d’éviter que votre organisation ne découvre, sous pression, ce qu’elle aurait dû préparer à froid.
Vous pouvez me contacter pour en discuter sereinement, sans engagement, et évaluer ensemble ce qui pourrait être renforcé avant que cela ne devienne nécessaire.

